La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter Dessin, la quatrième exposition personnelle de Roland Flexner dans son espace à Paris, célébrant plus de vingt ans de collaboration avec l'artiste. Un ensemble inédit de vingt-et-une œuvres encore jamais dévoilées se déploie dans l'exposition, offrant au visiteur une traversée dans les territoires de son imagination.
Niçois d'origine, Roland Flexner vit et travaille aux États-Unis, à New York, ville qu'il choisit de rejoindre dès 1982. Depuis de nombreuses années, l'artiste s'attèle à la réalisation de dessins dans lesquels il explore l'interaction du hasard et de l'intention. Cette recherche commence avec la série Bubble Drawings (1995) : à l'aide d'une paille, l'artiste souffle un mélange d'encre de Chine et d'eau savonneuse sur des feuilles de papier. Ces expérimentations se poursuivent avec l'encre sumi diluée dans de l'eau, à la suite de son séjour à la Villa Kujoyama au Japon, dans la région du Kansai.
La gestuelle de l'artiste est importante dans ces œuvres. Il manipule l'encre flottante sur la surface encore fluide, puis presse le papier pour marquer l'empreinte de l'image. Une fois le papier retiré, l'artiste procède à des ajustements. Ces méthodes lui permettent de jouer avec différentes temporalités : le liquide saisit initialement le temps d'un instant dans les lignes tracées, que l'artiste manipule ensuite jusqu'à ce que l'encre sèche entièrement. Les œuvres s'érigent comme des paysages imaginés, traces et enregistrements du temps lui-même.
L'exposition rassemble deux nouvelles séries qui, tout en se distinguant des œuvres précédemment évoquées, s'inscrivent dans une forme de continuité. Elles privilégient, toujours, "l'intervention du hasard dans l'apparition des formes, en conjurant les habitudes de la main" déclare l'artiste. La fine connaissance du médium - ici l'encre et le graphite liquide - s'accompagne d'un ensemble de gestes tels que le souffle, la gravité, le trempage et la friction, permettant à l'artiste de "pousser les images dans la direction souhaitée" dit-il. Le projet de Roland Flexner est finalement double : il confie à l'éditrice et critique américaine Faye Hirsch qu'il s'agit à la fois d'une recherche picturale, sondant le potentiel "imageant" du médium utilisé, et d'une recherche quasi-scientifique¹, visant à documenter les caractéristiques du médium qui se transforme à la surface du papier. Roberta Smith, critique d'art américaine, ira jusqu'à qualifier cette méthode de "recensement des possibilités de la fluidité elle-même".
Bien que les vingt-et-une œuvres exposées puissent être appréhendées comme un ensemble - il s'agit de deux séries se succédant - chaque dessin possède un caractère résolument autonome. Les oeuvres sont semblables à des "géologies de pierres de rêves" déclare l'artiste. Les images qui apparaissent "documentent de manière unique le flux de la matière organique, dont le hasard, artiste et créateur, imite les formes de l'art", poursuit-il. Également appelées "pierres à images" sous la plume de l'écrivain français Roger Caillois (1913-1978), celles-ci sont là pour interroger les affinités entre les formes complexes du monde minéral et les figures de l'imaginaire humain. Car à l'image des pierres, les dessins de Roland Flexner stimulent la perception intellectuelle et sensible du regardeur : l'œil décèle des images dans les formes dessinées, qui apparaissent et disparaissent au gré de l'imagination.
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¹ Terme utilisé par Barry Schwabsky dans l'article « Roland Flexner, D'Amelio Gallery », Artforum, 2012.