La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Infini croisement des détails avec sa mesure en lumière, la huitième exposition personnelle de Sarkis en près de 15 ans de collaboration. Né en 1938 à Istanbul, Sarkis est une figure incontournable de la scène artistique contemporaine dont l'œuvre aussi sagace qu'inclassable n'a eu de cesse de dérouter son public depuis l'installation de l'artiste en 1964 à Paris.
« Dans mon atelier à Villejuif, j'ai des centaines, des milliers d'objets de 150 millions d'années à aujourd'hui, qui font partie ou qui feront partie de mes œuvres, avec l'infini croisement entre eux. C'est cet infini croisement que je montre avec une centaine d'images imprimées sur douze panneaux en tissu de 250 x 150 cm chacun. Une mesure en néon cristal avec les sept couleurs de l'arc-en-ciel est suspendue sur chacune. »
Douze impressions sur tissu ponctuent le linéaire du mur d'exposition : chacune est une mosaïque composée de 10 images convoquant l'atelier de l'artiste, chacune avec son néon gabarit. Ainsi, 120 photographies d'œuvres au cadrage resserré et fragmentaire, témoignent de l'immense richesse de l'atelier - l'antre magnétique du forgeron Sarkis. Lieu de création absolu, l'atelier est le point cardinal de toutes les expositions qui jalonnent six décennies d'une œuvre sans compromis. À la fois matrice et Commencements, le refuge de Sarkis abrite des centaines d'œuvres savamment agencées - au repos ou sinon tendrement réactivées, dans une ancienne imprimerie de Villejuif reprise par l'artiste en 2000.
En y offrant l'hospitalité à des milliers d'histoires individuelles et collectives, c'est un monde pluriel que Sarkis accueille et réinterprète de son regard aiguisé en d' « infinis croisements ». L'artiste est passé maître de ces rapprochements saisissants : ici, la rencontre non fortuite d'un Marbre d'Erfoud (Maroc) daté de 150 millions d'années, auquel il adjoint un métronome électronique réglé sur les battements de son coeur. Ou sinon Les 7 terrains en arc-en-ciel (2024) : une fresque en sept gradations de couleurs Liquitex fluos sur lesquels Sarkis a saupoudré du riz blanc - motif éminemment symbolique et récurrent dans son œuvre depuis 2012.
En regard des percées kaléidoscopiques sur tissu, Sarkis dispose sans affectation une table de travail - une simple plaque en verre sur tréteaux, sur lequel est posé un rouleau. Cet objet de connaissance reprend sur papier translucide et dans un tirage en noir et blanc les fractions supposément infinies des planches « contacts des détails » issues de l'atelier. Véritables bâtons mémoriels, ils officient comme autobiographie spatio-temporelle de l'œuvre de Sarkis - d'Istanbul à Paris, en passant par Berlin, Montbéliard, Lyon, Erevan, San Francisco, Venise ou Genève.
Si les deux cylindres encadrent un passage du rouleau et laissent imaginer un usage rituel dans sa consultation, c'est véritablement la lumière qui embrase l'Atlas Mnémosyne de Sarkis, qui se remémore Aby Warburg. L'arc-en-ciel en néon enflamme ce parchemin moderne et caresse de son aura délicate l'espace de la galerie en réverbérant les vibrations pénétrantes des mesures-étalons. Immatérielle et primordiale, la lumière enveloppe l'ensemble de son spectre diffracté et procure une apaisante spiritualité à l'accrochage. L'arc-en-ciel en est le pont et, bien que l'ombre émane de la lumière, la souffrance se transforme à travers lui, en trésor.¹
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¹ Idée évoquée par Anne Marquez dans l'ouvrage Sarkis Temps d'expositions, Flammarion, 2021