La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter Guilty Pleasures : curated by Pierre El Khoury, une exposition collective réunissant des artistes de la jeune création contemporaine tels que Sacha Cambier de Montravel, Daniel Fleur, Laslo Familari Roy, Léo Kpodzro, Renske Linders, Clément Poplineau et Alexander Skats. 


Les œuvres des sept artistes dialoguent autour d'un sujet commun : celui des plaisirs coupables, ceux qui stimulent une tension subtile entre la jouissance et la culpabilité. Leur complexité émane d'un lien entre l'intime et le collectif : les goûts personnels entrent en collision avec les normes sociales, et les plaisirs coupables évoluent au rythme de leurs changements. Dans un monde marqué par la globalisation et les nouvelles technologies, ils se réinventent, nous poussant à réfléchir sur leurs nouvelles formes, leurs transgressions. 


Montres de prestige, maroquinerie de luxe, diamants éclatants, sofas en velours et manucures exquises se déploient dans la galerie. Ici, les œuvres flirtent avec le kitsch qui, par ses excès et ses artifices délibérés, envahit l'espace comme un miroir de notre société saturée de superficialités. À une époque où la culture numérique imprègne nos vies quotidiennes, de nouvelles formes de consommation émergent, souvent ostentatoires, et les sujets des peintures révèlent cette évolution. La prolifération d'images soigneusement filtrées sur les réseaux sociaux a alimenté de nouveaux désirs - irrationnels - comme la quête de la jeunesse éternelle, parfois au prix de recours excessifs à la chirurgie esthétique. 


Dans cette constellation d'œuvres disposées dans l'ensemble de la galerie, des corps se délectent, comme Bacchus, affalé sur des tissus soyeux attendant les bacchanales¹ ; des courbes féminines se fondent entre les fleurs et les dunes tandis qu'une main serre le drap de soie, manifestant un plaisir en acte. La représentation du corps, qu'il soit nu ou vêtu d'un léger drapé, a toujours été le reflet des valeurs et des aspirations propres à chaque époque. De l'idéal du corps dans l'art classique, souvent vu à travers le prisme du regard masculin, aux interprétations plus modernes de Paul Cézanne ou Suzanne Valadon - première femme à peindre un homme nu de face en grand format - la nudité n'a cessé d'évoluer. La présente exposition révèle sa représentation contemporaine : les sujets deviennent des modèles actifs, en possession de leur corps et de leur désir. 


Sur le mur central, des canidés se devinent dans un paysage glacé. Comme une réminiscence du tableau Les Chasseurs dans la neige de Pieter Bruegel l'Ancien, les figures semblent en errance dans la neige : elles marchent, creusent ou tentent de saisir un linge avec leurs canines saillantes. Pourtant, une rivière leur suggère un itinéraire à suivre jusqu'à l'horizon. Ces créatures pourraient être en quête d'un havre de paix au milieu du chaos du monde, un lieu où elles pourraient explorer leur identité en toute quiétude. Une spécificité qui fait écho à Une Saison en enfer d'Arthur Rimbaud, où le poète se confie sur ses démons intérieurs et cherche à donner un sens à son existence. 


Parfois, les artistes vont jusqu'à se peindre comme des figures isolées, se retirant du monde extérieur. Entre rêveries et réflexions intimes, ils se dévoilent, accompagnés de leurs désirs, de leurs angoisses et de leurs plaisirs secrets. Car le désir humain se pare de multiples facettes et parfois, loin de se manifester dans l'action, il se trouve suspendu entre deux états, comme cette femme vue de dos, admirant depuis sa fenêtre un paysage radieux. Entre voyeurisme et désir réprimé, elle est attirée par un ailleurs : la fenêtre devient à la fois une ouverture et une frontière subtile, rappelant que le plaisir coupable réside autant dans l'attente que dans l'intensité d'un désir. 


Pierre El Khoury, commissaire de l'exposition Guilty Pleasures, est art advisor et curateur indépendant.



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1 Les bacchanales étaient des fêtes antiques dédiées à Bacchus, le dieu romain du vin et de l'extase, où se mêlaient excès, démesure et transgression des normes.