La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter L'apocalypse excite les nerfs de la nef, la nouvelle exposition de Joris Van de Moortel dans sa galerie de Bruxelles. Un corpus d'œuvres récentes, dont certaines ont été montrées dernièrement lors de l'exposition Fragmenten, Doorgangen, Afdaling en Terugkeer (Fragments, passages, descente et tourmente) à la maison de la culture De Warande près de Anvers, se déploie dans les espaces de la galerie. Cet ensemble offre aux visiteurs une plongée au cœur de l'Apocalypse¹ et de la condition humaine, les œuvres abordant des thématiques de la destruction et de la renaissance, à travers un langage artistique résolument personnel.
Depuis plus de vingt ans, Joris Van de Moortel développe une œuvre d'une grande vitalité : des peintures, aquarelles, dessins, vidéos, sculptures et maquettes - déployées en de conséquentes installations - se distinguent parfois par une signature lumineuse en néon. L'ensemble des œuvres de l'artiste prend vie lors de ses performances, souvent musicales, combinant des éléments hybrides tels que la cire, le feu ou le verre. Ce riche éventail des pratiques confère à l'artiste une dimension spirituelle, semblable à celle d'un alchimiste. À l'image de ce personnage, il adopte une démarche d'explorations et de recherches infinies. De grandes huiles sur toile inspirées de la série de gravures apocalyptiques d'Albrecht Dürer, une série d'aquarelles faisant référence au peintre et graveur William Blake, une vidéo à l'univers fantasmagorique, des guitares en néons et autoportraits sous les flammes, naissent de ses investigations. Joris Van de Moortel tente de se frayer un chemin dans le chaos du monde d'aujourd'hui.
L'artiste puise son inspiration dans les œuvres de ses prédécesseurs et les réactualise dans notre contemporanéité, tout en y intégrant des références personnelles. Des interprétations de La Tentation de Saint Antoine et d'Orphée de Jan Brueghel l'Ancien côtoient des œuvres faisant référence à l'Apocalyspse de Dürer, ou encore aux poèmes de William Blake. Le peintre anglais, au génie d'une singularité absolue jugé fou au début du XIXe siècle, cherchait à redéfinir la dichotomie entre le bien et le mal : dans le célèbre poème The Marriage of Heaven and Hell (Le Mariage du Ciel et de l'Enfer), William Blake s'épanche sur l'énergie vitale et le désir, issus de l'Enfer, et la Raison provenant du Ciel. Il rejette le dualisme religieux Corps/Âme et célèbre la réconciliation des contraires pour révéler la grandeur de l'homme. Selon lui, chaque élément doit être scellé à son antagoniste comme les deux faces d'une même pièce. L'exposition pose une réflexion sur cette dualité, Joris Van de Moortel allant jusqu'à représenter La chute (The fall) tantôt côté ciel, tantôt côté terre, œuvres de même format s'articulant comme les deux pôles d'un même aimant.
Dans ce nouveau corpus, Joris Van de Moortel poursuit son exploration des oppositions binaires, comme en témoigne sa réflexion continue autour du personnage mythologique Marsyas¹, largement étudié lors de sa dernière exposition personnelle à Paris l'an passé. En revisitant cette figure à travers les âges, l'artiste s'y dépeint à la fois comme un satyre et un dieu, un vainqueur et un martyre, afin de mettre en lumière la complexité de l'existence humaine. Le mythe de Marsyas a également permis à l'artiste de poser une réflexion sur le processus de l'écorchement : il est une façon brutale d'accéder à l'intérieur d'un être, soit pour le châtier, soit pour en faire un objet d'étude clinique appartenant au régime du secret³. Joris Van de Moortel semble poursuivre cette exploration à travers un autoportrait grand format, dans lequel son propre crâne est écorché vif, en pleine ébullition. L'oeuvre Mijn hoofd is een zieke vulkaan (Ma tête est un volcan malade) incarne le franchissement d'un seuil qui sépare les viscères de l'épiderme, et donc le corps et l'esprit, permettant, d'une certaine manière, d'accéder aux mystères de la condition humaine.
« La terreur excite dans les nerfs une tension extraordinaire et des émotions violentes » déclarait le philosophe irlandais Edmund Burke. Le titre de l'exposition semble faire écho à cette déclaration, les œuvres de Joris Van de Moortel s'inscrivant pleinement dans ce paradoxe : les peintures, aquarelles et la vidéo expriment un besoin d'extérioriser des émotions violentes et contradictoires. La Nef - permettant le rapprochement du ciel et de la terre - s'incarne comme une allégorie du monde, et accueille les fous dans le chaos que notre société a engendré. L'apocalypse excite les nerfs de la nef propose un voyage spatio-temporel au cœur de la condition humaine, traversant les mystères de notre existence.
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¹ Dans ce nouveau corpus, Joris Van de Moortel puise son inspiration, entre autres, dans l'Apocalypse d'Albrecht Dürer, une série de 15 xylographies réalisées entre 1496 et 1498, illustrant diverses scènes du Livre de l'Apocalypse, le dernier livre du Nouveau Testament.
²Dans la mythologie grecque, Marsyas, un satyre musicien, défie Apollon, le dieu de la musique, et est vaincu. Les Muses confirment la victoire d'Apollon, qui condamne Marsyas à être suspendu à un arbre et écorché vif.
³Stéphane Dumas, Les peaux créatrice : esthétique de la sécrétion, Klincksieck, 2014