La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter Whirlpool, la première exposition personnelle de l'artiste américain David Reed dans sa galerie à Paris. Né en 1946 à San Diego, l'artiste quitte la côte californienne pour rejoindre New York, ville dans laquelle il vit et travaille depuis 1966. Après avoir fréquenté la Skowhegan School of Painting and Sculpture à Madison, et le Reed College à Portland, l'artiste poursuit ses études à la New York Studio School sous la tutelle de Milton Resnick et de Mercedes Matter, et participe à un séminaire dirigé par Philip Guston.

 

Si l'influence de l'École de New York est reconnue par David Reed, ce sont des artistes tels que Richard Serra et Barry Le Va, mettant l'accent sur le processus et la physicalité dans leurs œuvres, qui lui ont permis de dépasser l'approche dominante de la peinture aux États-Unis¹. Selon l'artiste, la potentialité de la peinture réside dans sa capacité à rester ouverte aux autres médiums. La sculpture minimaliste, la photographie ou encore le cinéma - avec entre autres, les flicker films de Paul Sharits pour leur colorimétrie et effets d'optique - comptent parmi les influences précoces de David Reed. Durant plus de soixante ans de carrière prolifique, l'artiste développe une œuvre dans laquelle le processus, la lumière et la couleur tiennent une place centrale. La présente exposition rassemble des peintures récentes, donnant à voir les dernières réflexions de David Reed autour de la notion de ''couleur optique'' en peinture.

 

Quelque chose de l'ordre du secret émane de ses œuvres : avec un nombre comme titre, elles se présentent comme le résultat de méthodes de réalisation qui demeurent mystérieuses. L'œil pénètre à l'intérieur de la structure interne de chaque tableau, et circule entre les couches de peinture fluides et légères. Celles-ci semblent presque se déplacer, chevauchant les différentes teintes éclairées par une lumière traversante. Une impression de mouvement s'opère dans ces peintures qui incarnent, comme le disait Mike Kelley "ce moment troublant où une chose inerte est sur le point de prendre vie"². Elles peuvent nous rappeler, poursuit Mike Kelley, "une voiture, un film qui brille comme une voiture ou une peinture du Bronzino."³ Dans toutes ses peintures, David Reed parvient à capturer une lumière radieuse.

 

Cette spécificité pourrait faire écho à l'enfance de David Reed qui, avant de rejoindre New York, grandit à Point Loma dans une maison moderniste conçue par son oncle architecte John August Reed. Elle pourrait également émaner des quelques temps passés à Malibu durant son adolescence, avec sa tante et son oncle O.P. Reed. L'artiste déclare que les plus grandes qualités de ses peintures découlent probablement des expériences de sa prime jeunesse : sa maison d'enfance à la lumière traversante, et les garages carrossiers aux "cabines de peinture  magiques”4 du sud de la Californie.

 

Ce modelage virtuose de la lumière rapproche également l'œuvre de David Reed de celles de peintres italiens des XVIe et XVIIe siècles, appartenant au maniérisme et au baroque. Parmi ses inspirations, David Reed cite le Tintoret, dont les compétences en teinture font de lui l'un des pionniers de la ''couleur optique'' en peinture. Il peignait à partir d'une peinture blanche au plomb qui, une fois entourée d'un glacis vert, donne une impression de lumière rosée. En réalité, cette lumière n'existe pas sur la surface peinte. Cet intérêt s'applique également aux oeuvres d'artistes plus contemporains tels que Simon Hantaï et notamment les Tabulas Lilas (1980). David Reed s'intéresse à son tour à cette particularité énigmatique, l'explorant dans l'ensemble des œuvres exposées.

 

Cette exposition dévoile les dernières réflexions de l'artiste autour de la ''couleur optique''. David Reed souhaite que chacune de ses œuvres deviennent ''une expérience unique de la couleur, qui explore toutes ses spécificités'' déclare-t-il. Celui-ci procède à des contrastes simultanés, les enserrant parfois d'un gris qui tire vers le vert ou le rouge. Des éclats de couleurs s'étalent - jusqu'aux éclaboussures - faisant varier les teintes au centre de chaque composition. À travers cet ensemble inédit, l'artiste sonde ainsi certaines zones de notre cerveau insoupçonnées, dont il cherche non pas à comprendre les complexités, mais à activer les capacités. Car la peinture est cela : elle produit, active, touche quelque chose dans l'esprit qui n'est "ni une émotion, ni une pensée" dit David Reed.

 

L'artiste fut très tôt l'observateur de ces effets produits par la peinture - comme Simon Hantaï avant lui, qui déclarait qu'au-delà "d'un profond désir de peindre, une interrogation dans la gestuelle s'imposait"5. Ce que la peinture crée dans l'esprit pourrait être à l'origine de phénomènes cérébraux inexpliqués, tels ces oiseaux qui plongent dans le vide, les ailes repliées, le long des parois du Grand Canyon. David Reed se demande "qu'est-ce qui pousse quelqu'un à sauter d'un endroit élevé, au bord d'un précipice pour regarder en bas ?"

 

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¹Craig G. Staff, Modernist Painting and Materiality, McFarland & Co In, 2011
²Mike Kelley, cité dans Dave Hickey,"David Reed: Flesh, Fabric, Film, Finish", New York Painters, Münich: Sammlung Goetz, 1994, p.42-45".

³Ibid.

4 Voir Hickey, "David Reed : Flesh, Fabric, Film, Finish."

5 Simon Hantaï, cité par Marcelin Pleynet, "La levée de l'interprétation des signes ou Les Manteaux de la Vierge," dans Pleynet, Simon Hantaï, exp. cat. (Paris : Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, 1976).