La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter Éclats, la dixième exposition personnelle de l'artiste Carole Benzaken depuis le début de leur collaboration en 1993. Cette exposition rassemble une sélection inédite de peintures et de dessins sur verre feuilleté, s'inscrivant dans la continuité de ses recherches sur l'image et ses représentations. Depuis plus de trente ans, l'artiste se situe dans une démarche résolument "moderne" : elle invente des solutions impliquant un renouvellement du médium intemporel de la peinture, oscillant entre figuration et abstraction, effacement et dévoilement des images.
En regardant les œuvres exposées - que l'on pourrait qualifier d'abstractions, douées d'un dynamisme et d'un chromatisme intenses - nous sommes surpris d'apprendre que les débuts de Carole Benzaken sont marqués par une imagerie figurative. Après avoir suivi des études à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris de 1985 à 1990, elle commence sa carrière en peignant des tulipes, colorées et disposées frontalement, couvrant chaque tableau de leurs pétales plus ou moins larges. À l'heure où l'art conceptuel dominait la scène artistique internationale, l'artiste affirmait déjà une prise de position audacieuse en choisissant comme sujet une image dans son signifiant le plus simple. Malgré le succès rencontré, l'artiste fuyant "tout ce qui la met en boîte" décide d'abandonner ce motif très codifié au profit de ce qui sera le vecteur essentiel de sa pratique : une recherche d'une peinture libre qu'elle aime à appeler "nomade", faite de déplacements techniques (encre de chine, acrylique, crayons, huile) et stylistiques permanents.
Cette mobilité, Carole Benzaken la vit d'abord en élargissant ses horizons géographiques : elle part vivre pendant sept ans aux États-Unis, à Los Angeles. "Là-bas, tout était ouvert, il n'y avait aucune hiérarchie entre les différents médiums" déclare-t-elle. Depuis, l'artiste cherche à surpasser la représentation en peinture en questionnant ses limites. Elle collecte une quantité d'images qu'elle interprète et juxtapose en de subtiles compositions. Dans un rapport étroit entre la terre et la chair, l'artiste - peignant au sol - creuse dans l'image, cherche l'endroit du sillon, explore la surface et la profondeur pour créer des impacts géométriques. Toutes les gammes chromatiques fusionnent dans ce vacillement optique, les corps, les lieux, "le paysage étant une chair, un espace fait de jeux de fluides et de géométries structurantes" déclare l'artiste. Le séisme pictural surgit ainsi dans le paysage fragmenté.
Les œuvres de Carole Benzaken se situent dans une forme de continuité des expérimentations menées par "les modernes", jouant autant avec les arts populaires, qu'avec la déconstruction des représentations, en questionnant la matérialité de la peinture. Bien que parfois éloignées dans leurs compositions, chaque œuvre exposée a la particularité de contenir "ce tout en même temps". Ces mouvements internes s'étendent également hors du champ pictural, l'œil du visiteur se déplaçant d'une peinture à l'autre par rebonds entre différents mondes, du plus abstrait au plus représenté. Des échos visuels circulent d'œuvre en œuvre au sein de l'espace d'exposition, comme une musique à la vitalité débordante, n'offrant aucune zone de répit.
Chaque composition s'affirme comme elle se dérobe dans un jeu complexe d'entrelacs, telle une mosaïque recomposée de fragments de miroirs brisés. Dans ces Éclats faits de lumières et de géométries, elle nous livre tant la peau que l'ossature d'un monde pluriel, entre mobilité fuyante et profondeur : la vibration du présent.