La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter THE DOOM OF BEAUTY, la toute première exposition de peinture d'Andres Serrano. Empruntant son titre à un poème de Michel-Ange, il s'agit de la sixième exposition personnelle de l'artiste à la galerie.
Né en 1950 à New York, Andres Serrano développe depuis plus de trente ans une œuvre en lien avec l'Esprit du temps - traduit de l'allemand Zeitgeist, terme philosophique désignant le contexte intellectuel, moral et culturel d'une certaine époque. Son travail d'artiste exige que nous regardions - et ce droit dans les yeux¹ - l'esprit de notre temps : ses dérives, ses dérèglements et ses violences, dissimulés dans nos sociétés contemporaines. Si de prime abord, l'œuvre d'Andres Serrano désarçonne son regardeur par sa force de représentation, elle doit aussi être perçue à travers la fascination de l'artiste pour certains maîtres du passé. Des références à l'histoire de l'art, celle de la peinture et de la sculpture, parcourent l'ensemble de son œuvre. En réactualisant certaines œuvres anciennes, Andres Serrano les fait renaître dans le monde présent : les cadrages sont originaux, la colorimétrie résolument personnelle et chaque composition est minutieusement retravaillée par l'artiste contemporain. Selon ses mots, il s'agit de prouver que "ce qui se produit dans le passé, ne reste pas toujours dans le passé".
Si l'iconographie religieuse apparaît en leitmotiv dans son travail, l'exposition THE DOOM OF BEAUTY présente un ensemble d'œuvres inédit dans la carrière artistique d'Andres Serrano. De grands tirages photographiques de sculptures de Michel- Ange (1475-1564) en noir et blanc - et autres sculptures grecques et romaines - ont été retravaillées avec de la couleur. Pour cette nouvelle série, l'artiste remplace l'appareil photographique - son médium de prédilection - par des pastels, des crayons et de la peinture acrylique. Pour la première fois depuis ses études de peinture à la Brooklyn Museum Art School, Andres Serrano renoue avec la pratique de la peinture. C'est l'année dernière, en feuilletant un ouvrage du sculpteur de la Renaissance italienne, qu'il commence à dessiner sur les photographies du livre sans intention particulière. "Les dessins, dit-il, étaient très spontanés, presque inconscients. Il s'agit d'une manière de se libérer d'un exil que je m'étais imposé en créant de l'art non pas avec mes mains avec un appareil photo."
Ainsi, les traits colorés suivent l'agilité des lignes de chaque sculpture, les quittent parfois, allant jusqu'à suivre le chemin naturel de la peinture qui coule vers le bas sous l'effet de la gravité. Des jeux de rythmes, de matières et de contrastes naissent dans ces combinaisons de traits et de couleurs. Ici, l'acte de peindre introduit la lumière dans l'image aussi bien qu'il la libère de sa simple fonction historique ou religieuse.
Andres Serrano affectionne particulièrement la Piéta de Michel-Ange. Cette sculpture, qui se trouve physiquement à l'entrée de la Basilique St Pierre à Rome, s'incarne comme le miracle de la suprême habileté : le marbre est pur, poli et brillant ; les drapés sont divins. Dans ces belles choses, il y également l'apparition du christ mort, étendu de tout son long sur les genoux de la Vierge Marie. La beauté du corps surgit dans la pierre, un nu artificiel qui nous apparaît si réel. Trois interprétations de cette sculpture titrées Emerald Pieta, Pieta Orange et Pieta Cadmium Red se déploient sous nos yeux, se distinguant les unes des autres par la couleur. Ici, le Christ adhère tant à la sculpture qu'à la photographie puis à la peinture, offrant aux visiteurs l'art de la métamorphose : quand la pierre se transforme en une imitation de la réalité, la photographie simule le poids de l'étoffe sculptée. La peinture s'incarne quant à elle comme le souffle divin, donnant vie aux sujets dans l'image ; la couleur rouge dégoulinant comme du sang.
Ainsi, tout en célébrant un nouvel aspect de l'activité artistique d'Andres Serrano, ces œuvres s'inscrivent dans la continuité de son travail artistique : chaque statue de pierre prend vie sous le tracé coloré, se rapprochant de l'art du portrait cher à l'artiste depuis longtemps. Dans l'espace de la galerie, les portraits surgissant du passé s'érigent à hauteur des visiteurs : une coprésence qui engage une réflexion sur la place du sacré - du culte religieux jusqu'à la sacralisation de l'œuvre d'art - dans nos sociétés contemporaines. Plus que le miroir du monde actuel, l'exposition THE DOOM OF BEAUTY interroge comme elle dérange, tel est, finalement, le rôle de l'art. Andres Serrano déclarant "Mes œuvres ne reflètent pas le monde d'aujourd'hui, elles reflètent mon monde et pour un artiste, c'est tout ce qui compte."
¹ ARASSE Daniel, Les Transis, 1992
Andres Serrano: THE DOOM OF BEAUTY
Past exhibition
2 Septembre - 11 Novembre 2023
Cloître Saint-Merri I & II - Paris