La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter la deuxième exposition personnelle de l'artiste américain Robert Kushner à Paris, après Jardin Sauvage en 2021.
Né en 1949 en Californie, Robert Kushner vit et travaille actuellement à New York. Après des études dans la prestigieuse Université de Californie, réputée pour son cursus avant-gardiste dans le domaine des arts visuels, l'artiste est aujourd'hui considéré comme l'un des fondateurs du mouvement Pattern and Decoration s'étant développé dans les années 1970 à New York. Robert Kushner y déménage dès 1972 où il rencontre Amy Goldin, principale théoricienne de ce mouvement. À cette époque, celle-ci avait encouragé la rencontre entre des artistes et des étudiants de New York parmi lesquels figuraient Miriam Schapiro, Valérie Jaudon, Robert Zakanitch et Joyce Kozloff. Ces différentes interactions visaient à créer un courant artistique mettant sur un plan d'égalité les beaux-arts et les arts décoratifs, revalorisant les traditions artisanales et les disciplines réservées aux femmes, telles que la couture, dans une tentative directe de renverser les rôles de genre.
Alors que Jardin Sauvage présentait un ensemble d'œuvres récentes de l'artiste, cette nouvelle exposition regroupe des compositions anciennes dans lesquelles apparaît la figure humaine comme motif décoratif. Cet accrochage témoigne du syncrétisme puissant de l'artiste, d'une œuvre singulière assumant sa fonction décorative pour l'époque. Car, à l'heure où le minimalisme et l'art conceptuel dominaient la scène artistique américaine, Robert Kushner prend une tout autre direction : il choisit de se situer dans un intervalle audacieux pour l'époque, mêlant les beaux-arts et les arts décoratifs alors considérés comme un art mineur. Ce retour au motif et à l'ornement lui permet de soulever des questions sur le concept même de la beauté dans l'art contemporain, alors que les États-Unis baignent dans une atmosphère puritaine où faire du beau était suspect. À l'aide d'une palette chromatique vive, l'artiste nourrit ses œuvres des cultures d'Orient et d'Occident, combinées à une transdisciplinarité des pratiques artistiques - rappelons que les débuts de Robert Kushner sont marqués par la performance et la confection de costumes de théâtre. Ces différentes facettes lui permettent de composer une œuvre riche de ses hybridités, résolument contemporaine : par son esthétique sophistiquée et les messages philosophiques qu'elle véhicule, son œuvre résonne dans le monde actuel.
La carrière de Robert Kushner est rythmée par des stimulations intellectuelles, passant par l'exploration et l'apprentissage de techniques artistiques et artisanales traditionnelles venues d'Orient et d'Occident. Les motifs abstraits, les compositions florales et autres natures mortes tiennent une place centrale dans son travail : ces attributs proviennent tant du paysage dans lequel il grandit - la Californie étant une porte vers l'Asie à cette époque - que dans les nombreux déplacements géographiques qu'il effectue en Orient. Dès 1974, Robert Kushner voyage en Iran, en Turquie et en Afghanistan aux côtés de son ancienne professeure Amy Goldin. Face aux églises byzantines, aux miniatures persanes, aux tapis d'Istanbul, à l'architecture et à l'art islamiques, l'artiste apprécie pour la première fois la possibilité de l'ornementation comme principe de style. Ces cultures permettent une porosité entre les disciplines et envisagent un art global, allant à l'encontre du paysage artistique connu par l'artiste.
Ayant une appétence pour les tissus, Robert Kushner s'initie à la pratique du crochet avec sa grand-mère et travaille, pendant sa jeunesse, comme restaurateur de tapis. Un voyage en Inde renforce son intérêt pour le tissage et autres matières textiles. Il travaille dans le centre artisanal de la ville d'Ahmedabad auprès d'une famille indienne et y découvre les madras et les mandalas. Ses œuvres s'enrichissent progressivement de matières textiles variées comme la soie, le taffeta et le coton, où figurent des motifs que l'artiste mêle à la peinture. Les tissus venus du Moyen Orient et d'Asie envahissent l'atelier de l'artiste, les motifs figuratifs ou abstraits se déploient dans ses œuvres textiles et dans ses peintures, en premier ou en second plan.
Depuis les années 1980, les fleurs et motifs abstraits sont une constante dans l'œuvre de Robert Kushner. La figure humaine est quant à elle transitoire : celle-ci apparaît pour la première fois en 1982, à la suite de son voyage en Inde, et disparaît complètement au début des années 90. L'exposition actuelle rassemble une sélection d'œuvres où la figure humaine est proéminente. Seuls ou accompagnés, les corps idéalisés se rapprochent de l'androgynie des divinités indiennes. Deux peintures d'une trilogie emblématique de son travail trouvent leur place dans l'exposition. Sirocco et Love Crowning the Lovers (1986) font partie d'un cycle monumental de trois séquences, basé sur l'imagerie mythique. Cette série aborde des questions liées à la mortalité, à la régénération et aux cycles, tout en établissant une relation de proximité avec le divin dans un contexte historique où le sida fait des ravages parmi les cercles artistiques.
Bien que la couleur soit l'un des éléments les plus tangibles mis à la disposition des artistes, les coloristes américains du 20e siècle restent très peu nombreux : Georgia O'Keeffe, John Marin, Marsden Hartley ou encore Mark Rothko et Barnett Newman, se situant quant à eux dans la veine des expressionnistes abstraits, en sont les maigres représentants. Robert Kushner fait partie de ceux dont l'art tend à plaire à l'œil et à satisfaire l'âme humaine : il exploite la couleur et l'ornement dans une quête de pur plaisir visuel, dépassant le débat rebattu entre l'abstraction et la figuration de son temps. L'œuvre Goddess (1986) adopte ainsi des couleurs vives, éloignées du monde réel. Les motifs décoratifs et la figure humaine se mêlent sans hiérarchie ni perspective. Cette attitude décorative se rapproche des compositions d'artistes européens modernes comme Raoul Dufy ou Henri Matisse qui sont des sources d'inspirations pour Robert Kushner. Celui-ci étend ses influences jusque dans l'utilisation de la feuille d'or, se rapprochant ainsi du courant symboliste, de Gustave Klimt dans ses compositions florales expansives.
L'exposition présente ainsi des œuvres aux combinaisons subtiles entre tissus imprimés de motifs figuratifs et abstraits, de compositions florales et de figures humaines, caractéristique de ses œuvres des années 1980-1990. Un regroupement qui donne à voir toute la richesse de ses influences assimilées avec beauté, s'inscrivant dans une histoire parallèle à la peinture américaine. Les œuvres du Pattern and Decoration - ainsi que celles des peintres modernes européens ayant inspiré l'artiste - sont remises à l'honneur aujourd'hui grâce à des expositions muséales en Amérique et en Europe : ces compositions ne cessent d'être une source d'inspiration pour la scène artistique contemporaine, tant dans leur esthétique sophistiquée que dans les messages qu'elles véhiculent.
Robert Kushner: The Fabric of Gods and Goddesses : Textile Paintings from the 1980s
Past exhibition
23 Mai - 22 Juillet 2023
Faubourg Saint Honoré - Paris