La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter Intermediate Worlds, la première exposition personnelle de Jason Saager à Paris.
Doublement diplômé d'un Bachelor of Fine Art à la School of the Art Institute de Chicago et d'un Master of Fine Art du Hunter College de New York, l'artiste vit aujourd'hui en Arizona, proche des Monts de la Superstition où il passe son enfance. L'immensité des espaces naturels de l'Ouest américain constitue le décor dans lequel Jason Saager a grandi. Bien qu'il n'établisse pas de corrélation directe entre son histoire personnelle et son goût prononcé pour la représentation du paysage, l'artiste se concentre exclusivement sur ce sujet. En reprenant ce thème classique de l'art pictural américain, Jason Saager s'inscrit dans une forme de continuité de la tradition, tout en s'en distinguant par une approche personnelle et singulière, résolument contemporaine. A partir d'un travail de composition spatiale d'éléments naturels figuratifs - comme des nuages, des arbres et des collines -, les peintures exposées donnent à voir des mondes où le réel s'effondre au profit d'un univers fantastique. Intermediate Worlds propose un voyage au cœur de l'imagination galopante de l'artiste, traversée par des influences aux horizons multiples.
Dans l'imaginaire collectif, les vastes paysages de l'Ouest américain sont vecteurs de fantasmes et de fascinations : leurs représentations en peinture sont dotées d'une signification nationaliste forte et deviennent, en ce sens, mythologiques et non géographiques. L'Hudson River School, mouvement artistique né en Amérique au 19e siècle, en est l'exemple le plus éloquent : alors que la République américaine ne cesse de progresser vers l'Ouest, les artistes de ce courant peignent une Nature grandiose et sauvage, proche d'un paradis perdu. Ces différentes illustrations ont su alimenter les imaginaires des générations passées et continuent de subsister aujourd'hui.
Jason Saager propose quant à lui une version renouvelée de ce thème classique : en regardant les cinq peintures de l'exposition, le visiteur pourrait aussi bien avoir le sentiment d'être face à un paysage romantique, appartenant au passé, que devant une peinture futuriste, proche de la science-fiction. Cette sensation de désordre temporel s'explique par un alliage méticuleux des diverses sources d'inspirations de l'artiste. Celui-ci évoque d'abord les jardins très contrôlés des fresques de la Renaissance italienne - comme la Chapelle des Mages de Benozzo Gozzoli (1420-1497), élève de Fra Angelico; il mentionne ensuite l'art ancien d'Asie en citant Don Yuan (934 - 962) ou encore Ni Zan (1301-1374) et parle également des récits de science-fiction du siècle dernier - Kafka, Lovecraft et Philip K Dick faisant partie de ses références.
Peindre des arbres et des nuages à partir de couleurs naturelles, tâche apparemment simple, se transforme en un processus complexe construit à partir d'un large panel des possibilités de la représentation du paysage. En s'inspirant de cette diversité, l'artiste joue avec la perception du réel : il distord le temps et la perception des éléments à l'endroit même où l'oeil s'attend à retrouver ce qu'il connaît. Dans les peintures de Jason Saager, tout semble hors de contrôle par une belle journée d'hiver, de printemps ou d'été.
Ces superpositions temporelles s'étendent jusqu'au processus de fabrication de ses peintures : l'artiste conjugue le monotype, dont le résultat interdit toute forme de repentir, à la peinture, qui fait appel à un processus plus lent et contrôlé. Il commence par le monotype, en appliquant la peinture à l'huile sur une grande section de verre acrylique. L'image est ensuite imprimée sur du papier, à l'aide de son propre corps servant de presse d'imprimerie. Ces estampes uniques sont les esquisses qui lui permettent de commencer à peindre. Il y ajoute ensuite des coups de pinceaux multiples, générant densités, opacités et jeux de transparences variables dans le paysage représenté.
La complexité de ces mondes imaginaires reste cependant secrète dans l'exposition. Loin de la densité des villes du monde actuel, Intermediate Worlds offre une possibilité d'évasion : les visiteurs sont happés par l'éclat d'une nature à la beauté saisissante, traversée par des lumières vives, proche de la magie. Un refuge précieux faisant face à la dysharmonie paysagère d'aujourd'hui. Devant la prophétie effrayante des récits dystopiques du 20e siècle - dont Jason Saager est particulièrement friand - l'artiste propose à son tour une Œuvre résolument contemporaine voire futuriste, véhiculant l'espoir d'un avenir meilleur et enchanté.