Nathalie Obadia est très heureuse de présenter The Traveler Walking On Tiptoes, la première exposition de l'artiste Guillaume Leblon dans sa galerie de Bruxelles. Le sculpteur, qui a notamment présenté l'exposition personnelle THERE IS A MAN and more au S.M.A.K (Gand) en 2018, bénéficiera d'une exposition monographique au Palais de Tokyo (Paris) à l'automne 2022. Artiste au vocabulaire visuel riche et intuitif, Guillaume Leblon présente des sculptures qui modifient notre perception du temps et de l'espace. L'artiste met en évidence les potentialités physiques des formes et des matériaux qu'il utilise, qui semblent s'imprégner du passage du temps et de la mémoire. Ses sculptures dialoguent avec l'espace, embrassant une relation active, mobile et ouverte avec le monde.
Le travail de Guillaume Leblon associe des éléments familiers et abstraits, sous-entendant nombre de sens et références : un jeu qui se retrouve dans les sculptures de cette exposition, disposées de manière à répondre à l'architecture dans laquelle elles se déploient. Ainsi, la rampe en acier The Corporeal and the Mechanical oriente notre circulation dans l'espace, suscitant une confusion sur sa nature : élément d'architecture urbaine ou assemblage design à la fonction mystérieuse ? Posé sur un coussin en cuir, un scorpion se fait symbolique du monde extérieur et rappelle l'influence de l'environnement dans lequel l'oeuvre a été créée, le Mexique, où Guillaume Leblon vit une partie de l'année. Les sculptures de l'artiste convoquent des matériaux industriels et critiquent notre fétichisation contemporaine des « choses », notre besoin de consommation d'objets en tous genres. Des interrogations mises en lumière par le motif de la cigarette électronique : celle- ci est esthétiquement suggérée non pas pour ce qu'elle est mais pour ce qu'elle représente de notre addiction collective à avoir toujours au plus près de nous - jusqu'à la bouche et au contact le plus direct - des versions de plus en plus élaborées des accessoires les plus basiques. Elle sous-entend une respiration, un souffle d'énergie passant de notre corps à un objet inanimé et manufacturé, résultant en une tension d'high-tech du quotidien qui fascine Guillaume Leblon. Une tension illustrée par des œuvres comme The Hunter, the smoker and the critic ou Perfect Love, sculpture dont les extrémités s'allument et s'éteignent de façon simultanée, comme activées par une même respiration. Le rapport au corps, notion centrale dans le travail de l'artiste, peut aussi être prétexte à un certain humour : l'oeuvre Cul oscille ainsi entre une intrigante assise et une sculpture à la sensualité évidente.
Dans ses oeuvres en plâtre, Guillaume Leblon tend à figer l'impermanence des choses, à saisir ce qui a existé puis disparu. Les plâtres de l'artiste soulignent une absence, l'empreinte permettant de garder en mémoire le contact de quelque chose qui n'est plus. Ainsi, les oeuvres The Dreamer et The Botanist conservent la trace d'une activité, la trace de vêtements et donc d'un corps humain, ne faisant que renforcer l'omission de celui-ci.
Dans ses récentes œuvres sur papier BILL#1 et BILL#2, Guillaume Leblon a choisi d'extraire une valeur de couleur de billets de dollars américains aux divers montants, et de les reproduire au pastel sec. Une valeur monétaire se retrouve ainsi traduite en valeur chromatique : le sculpteur transforme des sommes concrètes et ancrées dans le réel en une couleur abstraite, effaçant toute reconnaissance du spectateur et suggérant des narrations multiples.
Le travail de Guillaume Leblon nous confronte ainsi à des formes familières qui tendent soudain vers une certaine étrangeté, dans un « entremêlement du coutumier et de l'ambigu »,1 comme le formule l'historienne de l'art Hélène Meisel. Alliant éléments manufacturés et techniques de sculpture ancrées dans l'histoire de l'art (plâtre, verre soufflé), ses oeuvres jouent sur l'attente du spectateur, ouvrant un dialogue avec l'espace et la personne qui les regarde. Elles se font évocatrices de narrations instables et fluctuantes, questionnant notre rapport au monde.
1 Meisel, Hélène. « Guillaume Leblon, une ironie », 20/27 (Paris), n°4, 2010