Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Modern Royals, cinquième exposition personnelle de Valérie Belin à la galerie. La nouvelle série qui donne son titre à l’exposition est montrée dans son intégralité au sein de la nouvelle galerie du 91 rue du Faubourg Saint-Honoré. Conçue de manière très picturale, elle se présente comme un ensemble de « tableaux » sur le thème des vanités.
Ce nouveau corpus comprend onze portraits de femmes, personnages de fiction mais néanmoins désignés par leur prénom, posant assises sur une sorte de sofa. Le titre donné à cette série suggère qu’il pourrait s’agir de célébrités ou de « femmes du monde » et que ces photographies contribuent à l’illustration d’une romance. Chaque portrait est la représentation de personnalités différentes, jouées en studio par la même « femme-modèle », mais qui se différencient les unes des autres par la parure (la robe, la coiffure et les bijoux montrés de manière ostensible), et aussi par la pose et l’attitude, donnant paradoxalement à chaque portrait l’impression mêlée d’une étrange singularité et similarité.
Selon les propos de l’artiste « ces portraits semblent avoir été réalisés sur le vif dans la pénombre et l’intimité d’un salon, avec une lumière qui évoque celle projetée par un écran de télévision dans une pièce obscure. Les motifs ajoutés à l’image (des photographies de néons, d’enseignes lumineuses, etc.) suggèrent aussi qu’on pourrait observer la scène au travers d’une vitre à la surface de laquelle se reflèteraient les lumières de la ville. Étrangement, la modèle semble comme prise au piège entre le décor situé à l’arrière-plan et ces reflets d’un monde extérieur. Parfois elle paraît complètement captivée par quelque chose qui se déroulerait hors-champ, et parfois au contraire elle nous regarde comme dans un moment de distraction. Les photographies sont réalisées précisément dans cet entre-deux, entre le moment où la modèle est encore dans les pensées de son “monde intérieur” et celui où elle s’en abstrait pour répondre aux exigences de la pose et de la représentation. »
Ces photographies ont été conçues à la manière d’une scène de genre, dont il s’agirait, par le cadrage un peu serré, d’un détail. Pour contribuer à l’effet d’un univers non pas bucolique mais plutôt domestique, urbain et contemporain, la « toile de fond » de ces portraits a été réalisée a posteriori par superposition et juxtaposition de motifs vernaculaires issus de différentes photographies réalisées par l’artiste et puisés dans son stock d’images : éléments de vitrines, reflets, enseignes lumineuses, typographie publicitaire, graffitis, tissus imprimés avec effet de touche et objets décoratifs pseudo-luxueux arrangés en nature morte. Ces différents éléments forment autant de couches qui, travaillées à la manière d’un glacis, contribuent à forger le caractère pictural des images ainsi obtenues, les artifices numériques employés contribuant pour leur part à une confusion ou à une perversion des genres, à mi-chemin entre le portrait et la nature morte – et entre la photographie et la peinture.
Reprenant les mots de Phillip Prodger à propos du travail de Valérie Belin, on pourrait dire que chacune de ces photographies est à la fois « un portrait et une nature morte, une plongée dans la psychologie d’une femme “semi-anonyme” et une réflexion sur notre époque de surconsommation d’images, dont le propos, indéniablement féministe, transmet aussi un message plus universel sous la forme d’un questionnement. Quelle place laissons-nous à l’identité dans notre culture consumériste ? Dans quelle mesure sommes-nous, en tant qu’individus, complices de notre propre échec à trouver de l’authenticité dans la vie que nous menons ? ».1
1 Phillip Prodger, Alter ego – Une histoire du portrait en photographie, Textuel, 2021