La Galerie Nathalie Obadia se réjouit de présenter la quatrième exposition de l'artiste photographe Youssef Nabil. Hautement personnelle, Memory of a Happy Place dévoile pour la première fois une série de vingt photographies inédites, ainsi qu'un nouveau film intitulé The Beautiful Voyage.
Né en Égypte en 1972 Youssef Nabil est l'architecte d'une œuvre grandement influencée par la relation ambivalente qu'il entretient avec son pays natal, qu'il quitte à l'âge de trente ans. Cet exode teint son travail d'une perception romantique d'un pays dans lequel il ne se reconnaît que dans le reflet de l'âge d'or du cinéma des années 40-50.
C'est cette part de nostalgie que l'on retrouve dans l'esthétique de ses photographies, dont la technique reprend la colorisation des films en technicolor. Apportant un souffle nouveau à ce savoir-faire ancestral, l'artiste peint ainsi à la main chacun de ses clichés en noir et blanc, les éditions devenant des variations, chacune une version unique fruit du labeur de l'artiste.
Youssef Nabil s'adonne à la pratique de l'autoportrait depuis son départ d'Égypte en 2003. Ses autoportraits, réalisés aux quatre coins du monde, sont dès lors de véritables métaphores du sentiment d'exil ressenti par l'artiste. Celui-ci se représente presque systématiquement de dos, tourné vers l'avenir inconnu, et empruntant les codes de la grande peinture romantique. S'il est toujours vêtu de la djellaba traditionnelle, on discerne rarement les traits de son visage, son personnage devenant ainsi une parabole sur laquelle projeter un imaginaire mélancolique.
Largement composée d'autoportraits et de paysages, l'exposition explore les thèmes du destin et de la mémoire par le prisme du poème Ithaque de Constantin P. Cavafy, grande source d'inspiration pour l'artiste. À la manière du poète grec, Youssef Nabil nous livre le portrait d'une vie construite au gré de voyages, la narration d'une existence façonnée par l'exil, sans appel au retour vers un pays dont le plus beau cadeau aura été l'incitation au départ.
Ainsi, les photographies de l'exposition tracent le relief psycho-géographique de l'artiste, la carte d'une géographie émotionnelle marquée par les lieux de sa vie qui lui sont chers. Ce pèlerinage dans la psyché de l'artiste nous révèle également la part de rêve liée à ces expériences que la mémoire dénature pour en donner une image romancée. Cette réflexion sur la tromperie de la mémoire se lit notamment par la composition de certaines photographies décalquées. Ainsi dans No one knows but the Sky ou Memory of a Happy Place, le dédoublement de la ligne d'horizon fait écho au biais poétique de la mémoire, qui compose des souvenirs fantasmés.
Pour la première fois, Youssef Nabil utilise également dans ses photographies une technique de transparence, comme dans Your Life was just a Dream ainsi que What the Future holds, ou les autoportraits dans lesquels sa silhouette se dessine sur le paysage à la manière d'un fondu cinématographique. Reliant ainsi ces œuvres à l'attachement de l'artiste pour le cinéma, cette technique symbolise également la nature impermanente de notre voyage terrien. Le corps, détaché du second plan, traverse furtivement l'espace. Considérant notre passage sur terre comme transitoire, l'artiste colore ses œuvres du motif de la fugacité. Ces autoportraits représentent ainsi cette dualité entre la vie et la mort, entre le sédentarisme et l'exil, alors que Youssef Nabil se considère toujours comme un visiteur dans ces paysages devenant des véhicules d'expériences.
La relation au cinéma est exacerbée dans certaines photographies via l'insertion de textes qui agissent comme des sous-titres. Ceux-ci nous plongent davantage dans la dimension poétique qui irrigue l'exposition. Effectivement, les titres, empreints de lyrisme, sont considérés par l'artiste comme de véritables extensions des œuvres.
C'est sur une toile de fond maritime que nombreux de ces autoportraits sont théâtralisés, la mer venant pour Youssef Nabil symboliser son attachement à la Méditerranée et l'état d'esprit qui caractérise ce territoire émotionnel. Cette invitation au voyage représente ainsi l'incipit de ce voyage initiatique. À la fois mirages de territoires fantasmés et allégories de la nature éphémère de l'existence, ces œuvres nous plongent dans la mythologie de l'artiste, dans toute sa dimension cathartique.
L'exposition sera également la première présentation du nouveau film de l'artiste The Beautiful Voyage tourné en 2021. Apparaissant pour la première fois à l'écran aux côtés de sa muse, l'actrice Charlotte Rampling, Youssef Nabil réalise un film profondément intime, rythmé par la voix de sa Mère récitant Ithaque, son poème préféré de Constantin P. Cavafy. Ce film autobiographique se fait ainsi l'allégorie de la relation mère/fils, importante dans le monde arabe, alors que l'artiste parle de sa culture par le biais de sa propre expérience.
The Beautiful Voyage est le quatrième film réalisé par l'artiste après You Never Left, (2010), I Saved My Belly Dancer, (2015) et Arabian Happy Ending, (2016), il revêt une importance tout aussi fondamentale dans la pratique de l'artiste, et ouvre un nouveau chapitre de son œuvre. À la fois acteur et réalisateur, Youssef Nabil nous laisse découvrir ses écrits, alors que Charlotte Rampling nous lit les pensées et réflexions de l'artiste sur la nature éphémère de notre passage sur terre, ainsi que ses interrogations, observations et réflexions sur la vie, la mort et le départ. Bercés par ces paroles nous apercevons l'artiste, faisant pour la première fois face au spectateur, assis sur le bord de mer, ses pieds balayés par l'écume, nous plongeant dans son rêve.
Ces photographies aux couleurs hors du temps nous présentent ainsi une version du monde enchevêtrée entre le rêve et la réalité. À travers ce périple dans son intimité, Youssef Nabil nous fait spectateurs du film de sa vie.