Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Foolhardy Boarding a Lost State of Mind, une nouvelle exposition de Joris van De Moortel dans sa galerie de Bruxelles. Les oeuvres présentées explorent un imaginaire apocalyptique, mêlant des références à l'histoire de l'art et au Moyen-Âge, au christianisme et à des folklores populaires, ainsi qu'à la littérature et à la musique. Elles nous invitent à une réflexion sur notre présent et notre rapport au monde, dont nous semblons à travers le travail de l'artiste à la fois maîtres et victimes. Tout au long de son oeuvre, l'artiste a développé un large éventail de médiums : collages, installations, performances musicales, dessins... Cette exposition présente son exploration artistique la plus récente : de grandes peintures sur toile, prolongement de ses aquarelles montrées pour la première fois lors de l'exposition Les Paradis Artificiels en 2021.
Avec ces nouvelles productions, Joris Van de Moortel s'empare d'un médium faisant historiquement écho aux références qu'il convoque dans son travail. L'artiste dialogue avec les tableaux du flamand Pieter Brueghel, comme avec ceux du peintre anglais William Blake ou du belge James Ensor. Des motifs tels que la Danse macabre (tirée des travaux d'Hans Holbein) ou la figure d'Urizen (vieil homme symbolique de sagesse et architecte de l'univers) sont appliqués sur la toile grâce à la technique de la gravure sur bois, que l'artiste utilisait déjà dans ses installations, et sur laquelle il vient ensuite aposer de la peinture à l'huile. L'imprécision de ce médium rend flous certains détails, invitant le spectateur à se plonger dans la scène représentée pour en saisir toutes les nuances. Pour l'artiste, « ces œuvres renversent la vision du monde du XVIème siècle et constituent un miroir pour les luttes d'aujourd'hui, reflétant ainsi une époque chaotique ».
Des installations composées de divers éléments, comme des néons, des guitares cassées, du Plexiglas etc. évoquent tant les assemblages de Robert Rauschenberg que l'univers surréaliste et mythologique de Leonora Carrington. Joris Van de Moortel réalise des performances, basées sur l'improvisation, la musique et l'expérience, dans lesquelles surgissent des éléments hétéroclites comme l'eau, le feu ou la cire (glass, wax, fire, white, smoke, nature, vandal - ré-interprétation personnelle de l'artiste des sept sacrements de l'Église catholique.) Les œuvres If 6 turned into 9 (i don't mind) le trou du fou (guitar) et If 9 turned into 6 (i don't mind) le trou du fou (door for a hat head) constituent des « carcasses » de performances, à la disposition et à l'esthétique étudiées. Elles fonctionnent comme des memento mori de l'énergie destructrice qui passe entre l'artiste, les spectateurs, ses musiciens et ses accessoires lors de ces moments performatifs souvent imprévisibles. Cela est montré dans la vidéo Weird Weirdness - Bizarre Bizarrerie dans laquelle on devine la genèse de plusieurs oeuvres présentées ici. Ces performances sont également une manière pour Joris Van de Moortel d'écrire sa propre mythologie, ce qu'il prolonge avec le développement d'un jeu de tarot, égaement montré pour la première fois dans l'exposition.
Le phénomène de changement d'état, de transition, fascine l'artiste et se retrouve dans toute sa pratique artistique. Tant la forme que les sujets de certaines œuvres évoquent des passages, au sens large du terme : passage entre vie et mort, symbolisé par le navire des fous (Ship of Fools), guidé par The Figure of the Fool, qui emmène ses passagers vers un destin trouble comme l'eau sur laquelle ils naviguent. Passage entre divin et terrestre, entre ordre et chaos, évoqué par la Tour de Babel, ultime symbole de l'hubris humain, ou encore par la figure du transi (un squelette masqué avec un visage humain séduisant les vivants pour les emmener vers le monde des morts).
Avec cette exposition, Joris Van de Moortel continue son exploration de notre temps et de sa place en tant qu'artiste, à la fois observateur, alchimiste et participant de notre monde dissonant. À travers ses oeuves, il nous invite à embarquer sur un navire à la destination incertaine, dont nous semblons avoir la responsabilité de l'arrivée à bon port.
« But all that is broken can be fixed so let's get started » Joris Van de Moortel, 2022