L'exposition Pharmakon présente les nouvelles productions d'Antoine Renard réalisées suite à sa résidence à la Villa Médicis en 2019. À Rome, il a pu mener différentes recherches autour du parfum, conçu comme support de la psyché, de la mémoire et de l'identité.Puisant dans l'héritage culturel de Rome et de la Méditerranée, Antoine Renard s'est appuyé sur les cultures antiques et chrétiennes qui ont une large expérience du parfum dans la relation à la mystique, au corps et à la guérison.
Cette recherche en Italie a été précédée de plusieurs séjours en Amazonie péruvienne entre 2018 et 2020, au cours desquels Antoine Renard a étudié différents rituels de guérison, pratiqués sur de jeunes adolescents et adultes affectés par des addictions sévères.Dans ce cadre, Antoine Renard découvre l'importance des parfums dans ces thérapies, notamment avec les Perfumeros, guérisseurs qui développent des pratiques de soins olfactives.
Depuis plus d'une dizaine d'années, Antoine Renard développe un travail de sculpture, d'installation ou de vidéo, dans lequel il convie ce qui est dans l'ombre, tapi dans les recoins du subconscient, où il désosse et met à plat les mécanismes de peur et d'angoisse qui irriguent parfois notre rapport au réel jusqu'à la transgression.S'il convie des technologies de pointe et des imageries numériques high tech, c'est souvent pour les frelater, les tordre dans leur usage, pousser à bout le potentiel d'erreur et les déviances de la machine.
Pour l'exposition au Crac Occitanie, Antoine Renard développe un ensemble d'œuvres conçues à partir de prélèvements de matières premières et d'observations
empiriques, effectués lors de ses recherches.Traitées selon des procédés techno-chimiques, ces matières sont interprétées et reformulées sous forme de vidéos, de sons, de sculptures et d'odeurs.Créant un environnement poreux où des éléments chimiques, numériques et psychiques se confondent, l'artiste ouvre des pistes de dialogue entre des courants de pensées qui lui sont chers, tels que le végétalisme, la théologie mystique, le structuralisme et la logique scientifique.
Dans la première salle, un dispositif d'écrans LED diffuse des séquences vidéo de fleurs et de plantes médicinales filmées en très gros plan, plongeant le spectateur dans un flot de formes, de couleurs et de lumières. L'hyper précision numérique, oscillant entre netteté, jeu de flous et d'altérations dans le code source du film, produit une image à la limite de l'abstraction.
Dans la même salle, une bande sonore hypnotique diffuse une composition de vocalises effectuées dans l'église de la Trinité-des-Monts à Rome, altérée par la transcription numérique de l'odeur de myrrhe. L'encens vient diffuser ses propriétés curatives sous forme sonore, infiltre et modifie la structure de l'enregistrement initial et imprègne le visiteur d'une atmosphère à la fois lyrique et concrète, aux contours quasi religieux.
En regard de cette installation, Antoine Renard réalise une série de sculptures murales en aluminium issues de scans 3D d'un jeune enfant proche de l'artiste. Découpées et recomposées manuellement, ces représentations de l'enfant numérisé sont à cheval entre l'ange christique, la poupée vaudou et le clone moderne. Elles n'évacuent aucun des ratés du procédé de fabrication, des imperfections du scan et de l'imprimante, générant une sensation d'hologramme numérique pétrifié dans et par le métal.
Ces sculptures s'inscrivent dans une réflexion plus large de l'artiste sur l'importance des écrans et des images et leur implication dans notre construction individuelle. Chaque sculpture fait figure d'ex-voto ou de fétiche dont le corps est fragmenté, et dégage en même temps un parfum, ou plutôt une fumée conçue spécialement pour l'exposition par l'artiste sous forme de pâte à brûler, à partir de diverses plantes et résines. Ici les œuvres se présentent comme des écrans dont le vecteur n'est pas la lumière mais la fumée. À l'instar de l'installation vidéo, elles agissent par imprégnation et sont à même de susciter des réminiscences, un lien intime et lointain avec le passé et/ou le présent de chacun.e.